Virus

Au 22 Avril 2020, l’OMS dénombrait 2402250 cas confirmés de COVID-19, et 163097 décès dans le monde. Le COVID-19 est aujourd’hui considéré comme une crise sanitaire mondiale de notre époque. Mais comment cette épidémie a-telle pu se propager aussi rapidement à travers le globe ? Et si l’activité humaine et le déclin de la biodiversité en étaient les causes ?

Le COVID-19 n’est pas la première crise sanitaire de l’humanité

D’après le CNRS, dans l’histoire de l’humanité, la plupart des changements majeurs de notre environnement ont débouché sur des crises sanitaires.

Le premier exemple remonte à la période Néolithique. Il y a 12 000 ans, l’apparition de l’élevage et du phénomène de sédentarisation ont provoqué la transmission à l’homme de pathogènes initialement présents dans le bétail, comme la variole, la diphtérie ou la rougeole.

Les grandes épidémies telles que la peste apparues entre l’an 1000 avant Jésus-Christ et le moyen Âge, ont été provoquées par le développement commercial avec l’Asie, les guerres et les sièges de villes.

La troisième grande crise sanitaire connue est liée à l’arrivée des Européens en Amérique du Sud. Dans leur conquête, les Européens avaient apporté avec eux des pathogènes avec lesquels les indiens n’avaient jamais été mis en contact. Il s’était alors produit une véritable hécatombe dans les populations indiennes.

Plus récemment, aux XIXe et XXe siècles, l’industrialisation, l’urbanisation, la précarité et les guerres ont favorisé l’émergence ou la réémergence de pathogènes comme le choléra et la tuberculose.

Bien que les causes de l’épidémie de COVID-19 que nous subissons aujourd’hui soient encore différentes, il y a un point commun avec les précédentes crises. Cette pandémie survient suite à un bouleversement rapide de notre environnement. Plus précisément,le COVID-19 serait une conséquence de l’effondrement anthropique de la biodiversité que nous observons depuis plusieurs années, mais pas que.

Quelle sont les causes du COVID-19 ?

A l’heure actuelle, les causes de la pandémie sont encore au stade des hypothèses et les scientifiques continuent leurs travaux de recherche. Deux hypothèses semblent toutefois sortir du lot. La plus probable serait que le pangolin aurait servi d’hôte intermédiaire entre la chauve-souris et l’humain.La deuxième serait que le COVID-19 ait été transmis à l’homme directement par une chauve-souris. Encore une fois, ce ne sont actuellement que des hypothèses.

Quoi qu’il en soit, l’origine de cette pandémie semblerait liée à une zoonose, c’est-à-dire, une maladie transmise à l’homme par un animal. Le COVID-19 n’est pas la première zoonose à laquelle nous faisons face. D’ailleurs, d’après l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), 60% des maladies infectieuses chez l’homme sont zoonotiques. Et ce pourcentage grimpe même jusqu’à 75% pour les maladies infectieuses émergentes. Enfin, toujours d’après l’OIE, 5 nouvelles maladies apparaissent chaque année dont 3 sont d’origine animale.

Pour ne citer que quelques exemples tristement célèbres, la grippe espagnole apparue entre 1918 et 1919 aurait causé la mort de 20 à 50 millions de personnes selon l’institut pasteur. Ce virus (H1N1) serait né d’une combinaison entre une souche humaine (H1) provenant d’une grippe saisonnière, et d’une souche aviaire (N1).

Près de 35 ans après la découverte du virus du sida (VIH-1) par l’institut pasteur, 6000 nouveaux cas de contamination sont déplorés chaque année en France. Là encore, il s’agit d’un virus zoonotique. Le VIH est né d’une transmission à l’homme du virus de l’immunodéficience simienne (VIS) infectant naturellement les grands singes du sud du Cameroun. Il aurait franchi la barrière des espèces lors de chasses, par des morsures de singes infectés, ou lors de la consommation de viande de brousse.

Comment le COVID-19 a-t-il passé la barrière de l’homme ?

Pourquoi les scientifiques en sont-ils arrivés  à soupçonner le pangolin comme réservoir du COVID-19 ? On parle pourtant d’un animal nocturne, solitaire et vivant relativement loin des populations.

Malheureusement, ce mammifèrepossède une autre caractéristique… Le pangolin est l’animal le plus braconné au monde, il est à la fois recherché pour ses écailles (prisées par la médecine chinoise) et sa viande. Et c’est là tout le problème.

Du fait de son trafic, les contacts entre le pangolin et l’humain se multiplient et augmentent par conséquent le risque de transmissions d’un agent infectieux. D’autre part, comme le souligne Philippe Grandcolas, directeur de recherche au CNRS, dans son interview pour le 20minutes, « ces trafics mettent en contact divers animaux et permettent à des agents infectieux de recombiner et d’être ainsi capable de franchir la barrière entre espèces ».

Si le COVID-19 s’avérait être une conséquence du braconnage et du commerce illicite de pangolin, il ne faudrait pas penser que le problème s’arrête là.

Le bouleversement anthropique de la biodiversité est-il en cause dans l’apparition des épidémies ?

Certains d’entrevous se disent peut-être que les virus ont toujours existé et qu’ils étaient présents bien avant le changement climatique. Et vous auriez tout à fait raison. Les virus existent depuis des millions d’années et font partie intégrante de la vie sur terre. D’ailleurs il n’y a certainement aucun lien entre le dérèglement climatique et l’apparition du COVID-19.

Toutefois,penser que l’activité humaine n’a rien à voir avec cette pandémie serait une erreur.

            Diminution de l’espace réservé à la vie sauvage

D’après l’Organisation des Nations Unis, la population serait passée de 2.6 milliards d’individus en 1950 à près de 7.7 milliards aujourd’hui. Pour faire face à cette explosion démographique, l’urbanisation, l’agriculture, le transport, ainsi que les infrastructures liées à la production d’énergie et de matières premières n’ont cessé de se développer. Or, en nous développant de la sorte, nous envahissons de plus en plus les territoires autrefois réservés à la vie sauvage. Si l’on on croit le WWF, 240 millions d’hectares de forêts ont disparus entre 1950 et 2015. Le développement agricole serait la première cause de déforestation en zone tropicale.

La réduction des espaces réservés à la vie sauvage est l’une des premières causes d’émergence de maladies infectieuses. Mais savez-pourquoi ?

D’une part, la diminution des espaces naturels entraîne aune augmentation de la densité des populations animales. Autrement dit, les animaux se retrouvent de plus en plus les uns sur les autres et cela pose un problème. Plus la promiscuité entre les différentes espèces est importante, plus le risque de transmission de pathogènes est important.Or, comme nous l’avons évoqué un peu plus tôt, c’est en se recombinant à travers plusieurs espèces que certains virus deviennent capables de passer la barrière humaine.

D’autre part, nous nous retrouvons de plus en plus proches d’animaux avec lesquels nous n’avions jamais été en contact et avec qui nous ne devrions pas l’être (comme les chauves-souris par exemple). Cette multiplication des contacts entraîne elle aussi un risque supplémentaire de zoonose.

            L’élevage intensif également en cause

L’agriculture est aujourd’hui l’une des principales causes de la déforestation dans le monde. Mais savez-vous qu’environ 70% de nos espaces agricoles étaient réservés à l’élevage ? C’est en tout cas ce qu’il ressort d’une enquête réalisée par viande.info.

Selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), la production de viande dans le monde en 2018 s’élevait à 327 millions de tonnes. Pour vous donner une petite idée, cela représente près de 44 800 tours Eiffel et environ 150 milliards d’animaux abattus chaque année.

Sans parler des problèmes éthiques et environnementaux que cette production peut soulever, l’élevage intensif représente également un véritable risque dans la transmission de virus à l’homme.

En effet, les animaux d’élevages peuvent jouer le rôle d’espèce relais dans la transmission d’un virus. Pour vous expliquer cela, prenons la route de la Malaisie. En 1999, le pays fut touché par un mystérieux virus. Encore inconnu à cette époque, le virus Nipah aurait été responsable de la mort de 105 personnes selon l’institut pasteur. Durant la même période, une partie des forêts Malaisienne ont été rasées au profit de grandes fermes à cochons. Le problème, c’est que dans ces forêts, vit une espèce de chauve-souris frugivore porteuse du virus Nipah.  Les scientifiques ont vite soupçonné que les cochons d’élevage avaient consommé des restes de fruits contaminés par les chauves-souris. Après avoir recombiné dans le cochon, le virus a passé la barrière de l’homme et a infecté les éleveurs.

C’est comme cela que peuvent naître les épidémies telles que le COVID-19 que nous connaissons aujourd’hui. Et malheureusement ce n’est pas tout…

Pour ne pas arranger les choses, une autre inquiétude monte chez les scientifiques. Pour diminuer les maladies et augmenter les rendements, les animaux sont traités à grandes doses d’antibiotiques. Le problème, « c’est qu’à la longue, cela peut occasionner le développement de résistances chez des bactéries potentiellement pathogènes pour les humains », comme le mentionne Philippe Grandcolas dans son interview.

            La gestion des espèces sauvages, un risque supplémentaire

En France par exemple, certains animaux ne sont pas les bienvenus : les ours, les loups et les renards sont souvent pointés du doigt et considérés comme des nuisibles. Même si je peux comprendre la colère et la souffrance de certains éleveurs vis-à-vis de ces grands prédateurs, il ne faut pas oublier qu’ils jouent un rôle primordial dans l’équilibre de la biodiversité.

Prenons le renard par exemple. Ils sont aujourd’hui massacrés en grand nombre alors qu’ils aident à réguler les populations de rongeurs. Malheureusement, ces mêmes rongeurs sont à l’origine de la maladie de Lyme qui nous menace elle aussi à ce jour.

Si les prédateurs s’attaquent autant aux animaux d’élevage, c’est en grande partie parce que leurs territoires diminuent d’année en année. Nous en revenons toujours au même point, nous ne laissons pas assez d’espace à la nature.

Vous vous dites peut être que les risques liés à notre mode de vie commence à s’accumuler… La mauvaise nouvelle, c’est que ce n’est pas encore terminé…

            Le gaspillage alimentaire, un problème de plus à régler

Selon FAO, un tiers de la production agricole mondiale serait gaspillé chaque année. Bien évidemment, ce gaspillage alimentaire soulève bien des problèmes, en particulier celui de la faim dans le monde. Mais ce qui est moins connu, c’est que ce gaspillage peut également favoriser l’émergence  de problèmes sanitaires.

Dans les grandes villes du monde entier, là ou le gaspillage est le plus important, les populations de rat grandissent. Il faut savoir que les rats se reproduisent en fonction de l’abondance de la nourriture. Donc, plus il y a de gaspillage, plus les rats ont de nourriture, et plus ils se reproduisent… A Paris par exemple, le nombre d’individus pourrait atteindre la barre des 4 millions (soit environ 1.7 rats par habitants) d’après un article publié par le Parisien.

Pour rappel, les rongeurs représentent le principal réservoir de la peste

Notre modèle économique et notre mode de vie en cause dans la prolifération du virus

Je pense que vous avez maintenant bien compris pourquoi nous avions une part de responsabilité dans cette crise du COVID-19. Notre développement empiète de plus en plus sur les espaces naturels anciennement réservés à la vie sauvage, ce qui favorise les zoonoses. Chaque année, des milliards d’animaux sont élevés de manière irresponsable pour le compte de l’industrie de la viande et du textile. Certains animaux sont chassés illégalement, d’autres le sont pour des activités faussement récréatives… Certaines espèces d’animaux se retrouvent ainsi en danger d’extinction. Malheureusement, en perdant leur hôte naturel, les virus vont chercher un nouvel hôte à infecter, comme l’homme par exemple.

Des espèces comme les rongeurs pullulent en raison d’une biodiversité en déclin et d’une mauvaise gestion de nos ressources.

Mais il y a encore une chose que nous n’avons pas abordée et qui est en cause dans la prolifération du COVID-19. Si aujourd’hui une grande partie du globe est touché par cette pandémie, c’est en grande partie dû à l’évolution de notre mode de vie et de notre modèle économique.

En à peine 50 ans, le secteur du transport à tellement évolué qu’il est aujourd’hui possible de faire le tour du monde en à peine quelques heures. Pour preuve, le nombre de voyageurs transportés dans le secteur de l’aviation a été multiplié par 13 depuis 1970. D’après la Banque Mondiale,  le transport aérien a enregistré en 2018, 4.233 milliards de voyageurs.

Evolution trafic arerien et COVID-19

Durant la même période, la population mondiale a été multipliée par 2 pour atteindre près de 8 milliards d’habitants aujourd’hui.

Grâce au développement du secteur du transport, les échanges commerciaux n’ont cessé de s’intensifier dans le monde. Malheureusement, ces échanges commerciaux n’ont fait qu’accroitre les écarts de richesse à travers le globe. D’après l’ONU, 1 personne sur 8 dans le monde vivrait dans un bidonville.

Les échanges commerciaux favorisent également la migration de certaines espèces vers d’autres régions du monde comme le moustique tigre pour ne citer que lui. Dois-je rappeler que les insectes sont également connus pour transmettre à l’homme tout un tas de virus ?

Tout cela fait qu’aujourd’hui, les maladies peuvent se propager plus loin, plus vite et à beaucoup plus de monde.

Nous devons tirer des leçons du COVID-19

Aujourd’hui la priorité est bien évidemment de stopper la propagation de cette épidémie et de soigner les malades. Mais très rapidement, il va falloir se poser les bonnes questions pour tirer les bonnes leçons du COVID-19.

Il est clair que nous ne pourrons jamais nous débarrasser des virus présents sur terre, nous devons donc apprendre à vivre avec. Pour cela, nous devons savoir pourquoi et comment nous en sommes arriver là, et quelles mesures nous pouvons mettre en place pour diminuer le risque de voir émerger une nouvelle épidémie.

Bien évidemment, la crise du COVID-19 est très complexe et toutes les causes n’ont certainement pas été abordées dans cet article. Mais la probabilité que nous soyons en partie responsables de ce qui nous arrive aujourd’hui reste importante. Les scientifiques ont pointé du doigt certains risques liés à notre mode de vie et nous devons réfléchir aux mesures curatives que nous pouvons mettre en place. Dans ce genre de situation, le principe de précaution s’impose.

Que pouvons-nous faire à notre échelle ?

Bien évidemment, les gouvernements du monde entier devront prendre des mesures importantes. Mais à notre échelle, nous pouvons déjà agir et prendre les devants.

  • Consommons un maximum de produits locaux pour limiter les échanges commerciaux au strict minimum. De la sorte, vous participez à l’économie locale, vous lutter contre le dérèglement climatique et vous luttez contre le risque de propagation d’un nouveau virus.
  • Diminuons notre consommation de viande. Je sais que l’on touche là un point sensible, mais nous ne pouvons plus nous permettre de produire autant de viande pour autant de monde. Rappelez-vous que nous avons bientôt atteint la barre des 8 milliards d’habitants sur terre…
  • Limitons nos voyages à l’autre bout du monde. La France et nos plus proches voisins regorgent de paysages et de villes magnifiques. Avant de faire le tour de la terre, prenons le temps d’aller voir ce qu’il s’y passe.
  • Luttons contre le gaspillage alimentaire en changeant quelques unes de nos habitudes. Vérifier son réfrigérateur avant d’aller en courses et préparer une liste. Manger de saison et local pour éviter que les aliments ne s’abiment pendant le transport. Si vous n’arrivez jamais à finir vos assiettes à la cantine, osez demander moins, ou venez avec votre gamelle.

Ces actions peuvent paraître anodines, mais plus nous serons nombreux à les appliquer, plus l’impact sera important. Il y a tout de même une bonne nouvelle. Les actions que nous devons mettre en œuvre pour lutter contre les épidémies sont les mêmes que pour lutter contre le dérèglement climatique. Une pierre, deux coups !

Cet article est maintenant terminé. Je vous remercie pour votre intérêt. Si vous avez des questions ou des remarques, n’hésitez pas à les poser en commentaires. Et surtout, pensez à partager cet article au maximum pour faire évoluer les mentalités

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